Très belle analyse de Faustekollo publiée à l'origine sur le forum du site de la FFJD

J’avais trouvé incompréhensible la défaite de Cyrille qui avait réussi à construire une partie thématique, sur une variante Weiss, étonnante de brio et de justesse jusqu’au 43 temps… et digne d’illustrer un ouvrage de Ph. Jeanneret pour les tentés de faute qui l’émaillent.



Au 43e temps, Cyrille se suicide pourtant comme s’il était satisfait de la résistance dont il a fait preuve jusque là contre le GMI. Il choisit une voie manifestement sans issue. Mais avant d’examiner cette erreur incompréhensible, et surtout les alternatives, remontons pour apprécier la conduite de la partie.


Commençons par le 35e temps.

Voici la position et trait aux blancs guidés par Cyrille.

On peut dire que Cyrille n’a pas de complexe ; face à un champion d’Afrique, il choisit un style dont les auteurs (eg Jeanneret précité) disent qu’il est surtout pratiqué par les GMI !





Quel est le meilleur choix possible pour les blancs ?

Comme souvent, cela dépend des suites que l’on a en tête, du tempérament du joueur, de ses objectifs de parties, de ses goûts et des circonstances, entre autres…

Beaucoup de pratiquants habituels des parties Weiss et Bonnave joueraient 35. 42-37 avec en vue une menace de combinaison lointaine destinée à limiter les choix des noirs et à assurer une domination centrale ensuite. En effet, cette option rend dangereuse la réaction 35. …. 7-11 à cause de 36. 33 28 et de la combinaison qui s’ensuivrait si les noirs osaient 36. …18-23. Les noirs seraient alors probablement emmenés à jouer 36. …. 18-23 avec un pionnage en retrait des blancs et une légère domination centrale pour ces derniers…

Les partisans des situations sur le fil choisiront 35. 31-26 afin de conserver la flèche constituée des pièces 42, 38 et 33 le plus longtemps possible en formation, ne l’utilisant que dans une perspective de coup décisif. Il s’agit d’un choix plus complexe, avec d’énormes difficultés d’estimation…

L’option la plus lisible est celle que choisit Cyrille

35. 33-29

Cette position possède l’inconvénient de d’offrir à Ndjofang de nombreux choix, mais elle est très solide.

Ndjofang peut pionner par 36. … 29-24 avec une légère domination territoriale visible après le recul 2X2 des blancs. Il peut aussi pionner 36. … 18-23 pour un double pionnage qui donne aussi une domination territoriale.

Mais, manifestement, Ndjofang privilégie l’option qui permet de conserver le maximum de pièces sur le damier :

36. … 20-24
37. 29X20 15X24


La nouvelle position est quand même relativement dépouillée, quoique pleine de possibilités.





38. 43-39

Le choix de Cyrille est très bon en terme de stratégie, comme sur le terrain tactique ; le but est d’emmener le pion 43 dan la position 33 ou de procéder à un échange massif commençant par le pionnage 27-22. Le cheminement peut néanmoins paraître naïf sur le terrain tactique en ce sens que s’il y avait la moindre chance que l’adversaire commette une grosse bourde, la position prise aura l’inconvénient de l’alerter. Mais il faut bien comprendre que le chemin alternatif, 38. 43-38, était interdit à cause de la menace de combi des noirs.

38. … 18-22
39 27X18 13X22


Le désir de Ndjofang de conserver un grand nombre de pions se heurte à la nécessité pour lui de limiter la portée des manœuvres des blancs.

40. 39-33 12-18
41. 42-38 8-12
42. 38-32 9-14

Voici la position avant le 43e temps, trait aux blancs.



Les positions sont égales. A ce stade, Cyrille qui recherchait sans doute un partage a fait le plus dur. Il y 4 façons possibles de jouer, sans distribuer grossièrement ses pions : 43. 31-27, ou 31-26ou 32-27 ou encore 32-28.



Seul 32-28, qui n’est pas attrayant d’ailleurs, peut perdre.



Les autres choix aboutissent mécaniquement à des remises : 43.31-27 : ce pionage est une remise directe en raison de la menace de sacrifice de 3 pièces par 27-22 que ne peut empêcher 14-20 et alors qu’une attaque des noirs 27-22 serait visiblement vaine. 43. 31-26 annonce un pionnage 32-27 avec prise 36X27. Comme les noirs doivent jouer dans l’intervalle, il sont contraint de déplacer 43. … 14-20 ou 43. … 7-11. mais ensuite, après la prise 44. 36X27, l’attaque directe du pion 27 est interdite par la protection 34-29. Les blancs auront le choix de toute manière entre le gambit de passage 33-29 suivi de 30-24 (moins cher que celui organisé par Cyrille dans la partie) pour une remise inférieure et une opposition plus égale en occuPant la case 28 ; remise égale alors. Il y a enfin le choix 43. 32-27 qui offre exactement le même développement que 43. 31-26.

Et que joue Cyrille ?

43. 31-27 ??

Etait-il serré au temps ? Difficile de comprendre ce choix : sur les quatre possibilités, il s’agissait en plus de la plus complexe… Vraiment étrange et dommage.